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L’Europe et l’Amérique du Nord encouragent la biopiraterie lors de la 10e réunion de l’Organe Directeur du TIRPAA

décembre 1, 2023

En arrivant dans la salle plénière de la FAO à Rome, on sentait dès le premier jour la mauvaise volonté de certaines délégations. En effet, la 10e réunion de l’Organe Directeur du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA) s’est déroulée sans qu’aucune décision majeure ne soit prise. L’absence de décisions était plutôt un choix en soi: celui de continuer à contourner le traité, de ne pas s’attaquer aux problèmes majeurs qui sont à l’origine de la perte de la biodiversité agricole dans le monde, avec des répercussions considérables sur les communautés locales de paysans/nes. L’insistance de la délégation du CIP n’a pas suffi à faire tomber le mur érigé par les pays du Nord. Même la bonne volonté de l’Afrique et de l’Amérique latine, qui ont soutenu les demandes des mouvements sociaux pour la souveraineté alimentaire, n’a pas eu l’effet escompté. Nous avons demandé aux délégués de faire un pas en avant dès la réunion de l’Organe Directeur de 2019. Nous leur avons demandé de mettre un terme à la biopiraterie pratiquée par l’industrie semencière, qui utilise l’Information de Séquences Numérique (DSI) et la biotechnologie pour breveter des caractéristiques génomiques existantes sélectionnées par les communautés paysannes et autochtones au fil des siècles. Les agriculteurs se retrouvent ainsi dans une position où ils doivent répondre devant les tribunaux de la violation des droits de propriété intellectuelle par le simple fait de cultiver leurs champs. Il faut mettre fin immédiatement à cette pratique en appliquant les règles du traité aux DSI également, et pas seulement aux semences physiques. Mais tant que certains pays nieront l’identité entre le génome numérisé et sa manifestation physique, les entreprises pourront s’en sortir, aux dépens des agriculteurs.

Le seul résultat acceptable a été que le Programme de travail pluriannuel du Traité (MYPOW) évaluera l’impact de l’information sur les séquences numériques sur les droits des agriculteurs à conserver, utiliser, échanger et vendre leurs semences. Mais une nouvelle évaluation signifie qu’aucune action réelle ne sera entreprise avant 2025. De même, en ce qui concerne les Droits Des Agriculteurs (énoncés à l’article 9 du traité et constituant le véritable cœur du texte), le seul résultat a été la reconvocation du groupe d’experts techniques ad hoc (AHTEG). Le groupe travaillera pendant les deux prochaines années pour examiner et approuver les grandes lignes de l’évaluation de l’état de la mise en œuvre des droits des agriculteurs et fournir des conclusions pour le 11e Organe Directeur. Depuis plus de 20 ans, nous demandons que les droits des agriculteurs soient traduits dans les législations nationales. Nous avons également demandé que des lignes directrices soient créées pour faciliter la mise en œuvre par les Parties Contractantes. Cependant, les délégués nord-américains ont une fois de plus bloqué les progrès, jusqu’à ce qu’un compromis soit trouvé pour passer la patate chaude à un petit groupe d' »experts ». C’est trop peu pour nous rendre optimistes quant à l’état de ce Traité mondial, créé pour protéger la biodiversité agricole et pour respecter et promouvoir les droits des agriculteurs. C’est pourquoi le CIP a décidé de commencer à travailler en dehors de l’espace du traité, directement avec les pays qui ont compris l’importance de traduire les droits des agriculteurs en mesures juridiques. Nous le ferons par le biais de la Coopération Sud-Sud entre les organisations paysannes et les gouvernements, afin de montrer au Nord que tout le monde n’est pas là pour promouvoir les intérêts des multinationales. En attendant, pour mettre fin à la biopiraterie des entreprises, les organisations paysannes diront à leurs membres et à leurs communautés de cesser de remettre leurs semences aux banques de gènes participant au système multilatéral (MLS) établi par le traité. Si le MLS ne peut pas garantir qu’aucun brevet n’est délivré sur ces ressources génétiques, il est inutile de continuer à légitimer le système en fournissant nos semences. Nous avons maintenant deux ans de travail intersessionnel devant nous (entre les réunions de l’organe directeur), au cours desquels nous poursuivrons notre guérilla institutionnelle pour protéger et promouvoir la réalisation des droits des agriculteurs sur les semences.

 

La délégation du CIP à la réunion de l’organe directeur était composée de : Antonio Onorati et Alessandra Turco (ARI/ECVC – Italie), Guy Kastler (Confédération Paysanne/ECVC – France), Marciano Silva (MPA/LVC – Brésil), Enso Ortt (MAELA – Argentine), Alicia Sarmiento (IITC – Mexique), Jessie Power (AFSA – Australie), Anne Berson Déna et Alimata Traoré (COASP-Mali/CNOP/LVC – Mali), Omer Agoligan (COASP – Bénin).

 

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